L'expérience d'un regard, la fin d'une blessure

– J'aimerais te partager une expérience récente, celle d'un regard tel que tu l'entends je crois. Lors d'un moment de creux, je touchais des blessures profondes, très douloureuses pour moi, jusqu'au moment où, par hasard, mes yeux se sont posés sur un journal et j'ai eu l'impression qu'un mot me sautait aux yeux. Le mot « résistance ». Et là tout s'est débloqué parce que j'ai réalisé que je résistais, que je n'acceptais pas de ressentir ces blessures profondes. Elles se sont évanouies à la seconde même.

– Oui, c'est exactement ce que j'appelle « la magie du regard ». En réalité, dès qu'apparaît une souffrance, un mal-être, un désagrément, une ou des pensées sont crues. Et le plus souvent, ce sont des pensées de refus.

– Oui voilà, c'est ça.

– Lorsque qu'aucun refus vis-à-vis de ce qui arrive ou de ce qui est arrivé n'est présent, aucune souffrance n'apparaît.

– Si l'on accepte ce qui est arrivé.

– S'il y a acceptation. Ce n'est pas « moi » qui accepte. Il n'y a pas un « moi » qui pourrait accepter ou ne pas accepter. Si ce qui est arrivé ou ce qui arrive est accepté, comment pourrait naître un quelconque mal-être ? Une douleur physique peut-être ressentie, mais pas de souffrance psycho émotionnelle.

– Oui, oui, mais c'est justement là que le bât blesse : il faut que le regard se porte sur le refus !

– Tout à fait. À un moment donné c'est vu et c'est un cadeau, une grâce. Au moment où blessure et refus sont vus pour ce qu'ils sont : une « histoire » construite, une pensée, tout s'effondre. Ainsi la souffrance n'est pas définitivement réelle. Elle n'a qu'une réalité éphémère, celle d'une construction faite de pensées crues.

– Oui, c'est ça, oui.

– On peut appeler le refus « résistance », effectivement. Une résistance à ce qui arrive.

– Et tant qu'elle n'est pas perçue, la résistance reste active.

– Exact. Et en ce sens-là, faire une psychothérapie orientée vers la résolution de problèmes n'est pas nécessaire. Il n'est pas nécessaire de résoudre le problème causé par la blessure passée. Le besoin est simplement que la résistance, le refus, soit vu pour ce qu'il est : une simple pensée qui n'a pas besoin d'être crue. Alors tout s'effondre. Il n'est même pas toujours nécessaire que le processus soit totalement « conscientisé ». L'existence d'une résistance est « réalisée », accueillie de fait, sans effort, et l'histoire s'effondre. L'inutilité de la résistance peut même ne pas être vraiment réalisée.

– Oui, c'est juste. Lorsque c'est arrivé, j'ai trouvé ça fabuleux ! Généralement, je ne m'occupe pas de tout cela, je me dis qu'il faut laisser le temps faire son œuvre. Mais là, tout à coup, j'ai compris autre chose.